Livret des chansons enregistrées de Marcel Legay.
Marcel Legay a composé un très grand nombre de chansons. Ses premières chansons de rues, à 25 ans (1876), juste après avoir débarqué à Paris, et ses dernières, à 64 ans, peu de temps avant sa mort dans un Paris menacé par l’invasion des troupes allemandes (1915). Jean Nemo[1] parle de 767 chansons déposées à la SACEM, mais sans les lister précisément. Guy Berthet, neveu de Marcel Legay parle, dans ses notes personnelles, de près de 1000 chansons. Mary Ellen Poole[2], dans son mémoire de thèse, liste 338 titres. Pour ma part, à ce jour, j’en ai répertorié 825. Parmi celles-ci on en trouve 51 (6%) pour lesquelles Marcel Legay est auteur-compositeur, dont l’un de ses premiers succès populaires, l’Heure du rendez-vous (1878) et l’une des plus connues de son répertoire, Ecoute, ô mon cœur (1904).
L’auteur avec lequel Marcel Legay a collaboré le plus fréquemment et le plus longtemps est sans conteste Maurice Boukay (68 chansons entre 1890 et 1913). Maurice Boukay (1866-1931) est le pseudonyme de Charles-Maurice Couyba, personnage politico-littéraire hautement représentatif de cette époque. Député socialiste combattant la censure le jour (par la suite, il deviendra sénateur et même deux fois ministre de la IIIe République), il composait des vers la nuit. Parfois des odes romantiques destinées à faire fondre le cœur des midinettes (Stances à Manon), le plus souvent des envolées sociales et révolutionnaires : les Ventres, Tu t’en iras les pieds devant, le Moulin rouge, le Soleil rouge. Cette dernière selon Matthieu Moulin[3] « rivalisa longtemps avec les meilleures chansons révolutionnaires, y compris l’Internationale ». Toutes ces chansons font partie d’un livre au titre évocateur de Chansons Rouges publié en 1896. D’autres ouvrages suivront : Chansons du Peuple (à partir de 1907), La Chanson des Mois pour la Jeunesse (1913).
Un autre auteur de chansons sociales et révolutionnaires est Jean-Baptiste Clément (1836-1903), communard et auteur de l’immortel Temps des cerises (musique d’Antoine Renard). Il rédigea aussi des textes plus nettement révolutionnaires et notamment La chanson du semeur, qu’il écrivit après l’amnistie des communards et leur retour d’exil de Nouvelle-Calédonie (1880). Marcel Legay la mit en musique en 1882 et, selon Dominique Bonnaud, ce fut pour Marcel Legay, « sinon sa première chanson, du moins celle qui lui donna tout de suite la notoriété »[4]. Citons in-extenso Mary Ellen Poole :
La chanson eut une longue carrière sur la scène du café-concert : le journal du Chat Noir, organe de diffusion à destination de ses habitués, signale à ses lecteurs le 7 juillet 1984 que « La Chanson du Semeur, cette œuvre si fière de J.-B. Clément sur laquelle l’ami Marcel Legay a jeté la plus vibrante des musiques, est reprise cette semaine à l’Eldorado par Vialla ». Le compositeur lui-même n’apparaîtra pas à l’Eldorado avant d’y être engagé en 1891. Marcel Legay mettra en musique dix-huit poèmes de Clément[5]. Bassereau en publiera trois, tous créés par Vialla à l’Eldorado : Les Volontaires (1882), Les Traine-misère (1883) et l’Invasion (1884). Pour l’album de 1886 Toute la gamme, Clément apportera sa contribution avec Je vais chez la meunière. Tout au long de sa carrière, Marcel Legay continuera à choisir des poètes – citadins ou pastoraux – qui partageront son idéal socialiste.
Dans le domaine de la chanson pour enfants, Marcel Legay a collaboré principalement avec deux auteurs : Georges Auriol (1863-1938) pour les Rondes du Valet de Carreau (1887) et Louis Tournayre (1877-19..) pour Chansons à la façon d’Epinal (1913).